La tête dans le guidon
Voici une petite histoire qui a pris beaucoup de place dans notre foyer pendant plus d’un an et demi. Elle commence à Danne-et-Quatre-Vents pendant la course du lavoir en mai 2016. Nous y participons avec un groupe de résidents du centre, accompagnés par des bénévoles motivés et courageux, dont faisait partie Jérôme Golla, pour courir ces 10 kilomètres avec deux joëlettes.
Jean-Jacques et Manuel ont l’honneur de monter dessus, d’abord craintifs, c’est sûr, puis le plaisir a vite pris le pas sur les doutes. Au terme des kilomètres parcourus, la joie, les encouragements et l’enthousiasme des spectateurs à notre égard sont tels que nous avons les larmes aux yeux lorsque nous franchissons la ligne d’arrivée sous les applaudissements.
Quelques mois plus tard, Jérôme vient nous trouver pour nous parler d’un projet qui germe en lui depuis cette course, ce projet nous semble fou, mais pas pour lui… Il veut participer à 3 des courses les plus dures au monde et porter les couleurs de la fondation pour nous permettre d’investir dans une joëlette. Escales prévues au Pérou, au Maroc et au Portugal avec 781 km de course au programme
Le projet est validé, nous nous lançons, Jérôme dans les entraînements et nous dans la recherche de sponsors et de fonds. Les mois et les courses avancent, chaque départ anime le foyer, en même temps que Jérôme, les résidents s’activent, organisent des évènements, suivent les résultats, lui envoient des encouragements et beaucoup de force. Cela porte ses fruits, Jérôme finit les courses et nous, nous voyons l’enveloppe se gonfler. Les gens sont généreux, ce projet est porteur de sens, le sport est un vecteur de lien.
L’idée de la joëlette est assez vite remise en question, le territoire dans lequel nous vivons, le personnel à déployer, les capacités physiques nécessaires pour accompagner en toute sécurité, fait que nous tournons notre attention sur un autre vélo qui nous semble plus en adéquation avec ce projet, nos besoins et les demandes des résidents. Jérôme nous fait confiance pour le choix final de l’investissement. Après discussions, essais et conseils, nous nous décidons à acheter des tricycles couchés en tandem. Dur à imaginer mais tellement en cohérence avec notre foyer, ces vélos sont exactement ce dont nous avions besoin. Après moultes aventures, nous les voyons arriver au printemps 2019 !
Ils permettent aux résidents et vacanciers de profiter des sensations de glisse et de vitesse de l’activité sans avoir besoin de gérer le freinage, l’équilibre ou encore de changer les vitesses. Beaucoup de résidents savent pédaler, mais n’appréhendent pas le danger ou ne connaissent pas le code de la route. Sur ces vélos tout est possible, ils peuvent à nouveau faire du vélo en toute sécurité et en prenant du plaisir, car c’est l’accompagnateur qui tient le guidon et gère toutes les manœuvres. Ce vélo à ras du sol est un bol d’air pour les personnes en situation de handicap. Tout devient accessible, la forêt est à deux coups de pédale du centre et le sentiment de liberté qui va avec.
“Le handicap est une question de perception” (Martina Navratilova, joueuse de tennis), et nous en comprenons le sens à chaque sortie avec les résidents ou vacanciers, lorsque nous croisons des gens sur notre route, qui s’arrêtent pour admirer notre formidable chenille de vélo. Pas de pitié, pas de discrimination, pas de jugement de valeur, nous donnons juste envie sur nos vélos. Nous provoquons même l’admiration, nous étonnons, les propos après notre passage sont uniquement positifs ! L’autre jour un villageois nous a dit : “Ça, je n’ai jamais vu de ma vie et pourtant j’en ai déjà vu beaucoup !”. Voilà, tout simplement, pourquoi tous les résidents réclament enfin de vouloir faire du sport… Parce que ces vélos nous font du bien ! Chaque sortie est un moment de partage ludique et joyeux. L’effort passe au second plan.